Covid-19 et libertés numériques : quel bilan après 3 ans de pandémie ?
Table of Contents
1. Introduction
Conférence faite par La Quadrature du Net1.
Beaucoup de choses sont entrées dans la loi et la vie de tous les jours lors de la pandémie, alors que ça aurait pris des années sans.
2. Les bases de données
3 bases ont été créées pour le COVID :
- SIDEP
- contient les résultats des tests
- CNAM
- recensement de la population vaccinée
- Contact COVID
- traçage des cas contacts (avec Stop COVID)
Une base de la police a été utilisée pendant la pandémie : le SCA. Son but initial est de repérer les automobilistes qui récidivaient. Pendant le COVID, il a servi à repérer les personnes ne respectant pas le confinement. Ce détournement de finalité est illégal, mais il devient légal le 14 avril 2020.
LQN attaque en justice l'État, comme pour le TAJ, mais perd parce que ce n'est "qu'un soutient technique". Il est toujours utilisé, et même dans des enquêtes judiciaires.
3. Les drones
Des drones ont été utilisés pendant le confinement. La législation autorise les caméras posées mais les drones sont des caméras qui bougent. LQN a pu attaquer en justice et gagner. La police va continuer d'utiliser des drones en manifestation et rebelote, LQN porte plainte et gagne. Elle arrive même à censurer la loi Sécurité Globale en mai 2021.
Peu à peu, les drones deviennent légaux pour la police et la gendarmerie. Ils sont utilisés de plus en plus souvent depuis Saint Soline, notamment lors de concerts, de manifestations, d'évènements sportifs… Cette légalisation se fait via un décret. Le Conseil d'État2 ne suspend pas le décret et il est conforme à la Constitution d'après le Conseil Constitutionnel. D'après Le Monde, en 1 mois, il y a eu une cinquantaine d'utilisations de drones.
Ces drones sont autorisés de manière locale, ce qui rend très dur de les attaquer, il faut le faire un par un.
Il y a cependant eu 2 petites victoires : plus d'utilisation tard le soir ou pour les manifestations. Il est devenu très fatiguant de se battre contre les drones, LQN a arrêté après ça.
4. Les caméras
4.1. Thermiques
La Ligue des Droits de l'Homme s'est opposée à leur utilisation :
- très peu fiables pour mesurer la température
- les données de santé sont transmises à des tiers
- système déployé par la SNCF dans les gares mais sans transmission à des tiers
4.2. VSA et ASA
VSA pour VidéoSurveillance Algorithmique, ASA pour AudioSurveillance Algorithmique.
Utilisée pour compter les masques dans des espaces publiques à Cannes et expérimentée à Chatelet, à Paris (souvent utilisé pour des expérimentations de ce type). La CNIL a fini par les interdire.
Du lobby au ministère des transports a permis un décret, posant une base légale à la VSA, pour une durée d'un an. Cependant, LQN n'a pas l'impression qu'il y a eu des expérimentations durant cette période.
La VSA s'accélère à l'école, pour surveiller des examens à distance. Des universités l'ayant adoptée finissent par y renoncer parce que ça ne marche pas. Ce sujet revient ponctuellement. C'est un dispositif illégal et très intrusif, qui récupère des données personnelles de manière disproportionnée.
La loi JOP2024 remet sur le tapis l'expérimentation de ces technologies pour les JO. Elle ne devrait pas se baser sur les données biométriques, sauf que l'analyse des corps est une donnée biométrique. Elle déborde en dehors des JO et va permettre d'aller plus loin, avec des propositions d'analyses faciales. La CNIL accompagne les politiques et l'État dans la mise en place de cette loi.
En 2019, à St Étienne, des tests de micro pour l'ASA ont été faits, puis arrêtés suite à un avertissement de la CNIL. Aujourd'hui, des tests similaires sont faits à Orléans.
4.3. Amendes sans contact
Plusieurs personnes ont reçu des amendes sans se faire arrêter, elles sont liées au port du masque ou au non-respect du couvre-feu. Si elles sont contestées, les victimes ont eu gain de cause. On a revu ce type d'amendes lors des casserolades.
Cela s'est fait via la visualisation par des caméras et la reconnaissance des gens dans des lieux publics par les forces de l'ordre.
5. Téléphonie
Orange, via sa filiale FluxVision, a pu savoir que plus d'un million de franciliens ont quitté la région lors du confinement. L'entreprise vend ces statistiques à des festivals ou autre rassemblements. Cette entreprise existait déjà avant le COVID.
6. Identification
En France, il n'est pas nécessaire d'avoir une carte d'identité. On peut justifier librement son identité.
Il y a eu une banalisation du numérique, via la CNIe (la nouvelle carte d'identité contenant une puce avec les empreintes digitales) et le QRCode. Cela ne sert pour l'instant à rien, mais peut permettre de donner une justification à donner son identité parce que c'est simple, il suffit de montrer un QRCode. Cela permettra aussi de mieux tracer les personnes : lorsqu'on nous demande notre CNI à la poste, l'employé ne va pas la retenir, un appareil qui lit les code QR oui.
Une première version de la CNIe a été censurée en 2012 par le CE.
Il y a maintenant une quasi obligation et une incitation de l'identité numérique, via France Connect :
- passe sanitaire (on peut le demander en pharmacie)
- CPF
- pétitions sur les sites de l'Assemblée et du Sénat (pas d'alternative)
Il est possible que cela devienne un moyen pour vérifier l'âge en ligne, donnant ainsi énormément d'informations en plus aux réseaux sociaux et autres plateformes en ligne.
6.1. La santé
Les données COVID sont stockées dans le Health Data Hub. Il y a aussi un équivalent européen. L'État a pour volonté de mettre à disposition des startups les données du HDH.
7. Les entités législatives et consort
Le CE fait la girouette et est inefficace face à ces mesures de surveillance de masse. Il recommande le passe sanitaire pour certains lieux avant de devenir favorable au gouvernement de l'appliquer partout. Il y a eu un décret qui était contraire à la loi, mais le CE a ignoré le recours contre ce décret en anticipant les modifications de la loi par les 2 chambres.
La CNIL a clôturé une plainte sur le QRCode qui contenait trop d'informations, en se basant sur la décision du CE. Elle connait aussi beaucoup de défaillances pendant la crise. Elle devient le SAV du gouvernement sur le passe sanitaire alors qu'elle est censée être une entitée indépendante. Elle a aussi aidé le Sénat à écrire la loi pour pouvoir légaliser les drones.
8. Conclusion
La pandémie a permis la mise en avant des technologies de contrôle des populations, un changement de vision de ces technologies du grand public tout en accélérant sa légalisation. Il y a un effet cliquet : pas de retour en arrière possible, ou très dur.
Des mesures d'exceptions se sont ajoutées dans le droit commun pendant et après la pandémie.
« Et vous avez une bonne nouvelle ?
– Non. »